Edito de la Revue VERRE
- Août 2004. Vol 10, n°4
Et
si nous parlions verre
… dans ces temps de rentrée propices aux
bilans, réflexions et bonnes résolutions
en devenir? L'idée peut paraître cocasse
dans une revue dédiée, par vocation, à
ce matériau modeste, innocent jusque dans son invisibilité,
mais omniprésent à toutes les étapes
de notre parcours. |
Colette Save
Rédacteur en chef
de la revue Verre |
En fait, elle est surtout réconfortante, lorsque
l'on porte un regard universel sur la saga du verre depuis
les fragments orangés, vieux de 4 milliards d'années,
qu'Apollo 17 nous a rapportés de la Lune, jusqu'aux
fibres optiques qui courent partout, sous le tunnel de la
Manche et aux bordures des voies ferrées, permettant
aux internautes de communiquer sans frontières. Elles
conduisent la lumière dans les endroits les plus inaccessibles
et leur présence, dans les endoscopes, offrent aux
chirurgiens l'opportunité d'opérer le corps
humain, comme à travers un trou de serrure.
Le verre, donc, nous accompagne tel un ami sincère
(on ne forge pas d'armes en verre) et sa vertu éducative
ne date pas d'hier. Avant l'imprimerie de Gutenberg les vitraux,
sortes de BD du Moyen-Age, instruisaient les fidèles
qui ne savaient pas lire des péripéties de l’Histoire
Sainte et du développement des petits métiers
dans leur ville… « Un homme qui voit quotidiennement
les splendeurs du verre ne peut avoir les mains sales »
écrira, en 1914, le poète Paul Scheerbart. En
plein conflit, Bruno Taut, jeune architecte ami du poète,
imagine une ville-jardin culturelle dominée par une
resplendissante architecture de verre. La guerre balaya les
rêves des "architectes utopistes allemands"
mais leurs propositions stimulèrent ceux qui voulaient
un monde où «l’homme, cesserait d’être
l’ennemi de l’homme», la Cité radieuse
de Le Corbusier s'en souvient encore…
Aujourd'hui, dit-on, nous vivons l'ère du verre intelligent
capable de tout faire. Fini la corvée des vitres :
les façades se nettoient toute seules, et si la symbolique
pyramide en verre de M. Peî était bâtie
en 2004, elle n'aurait plus besoin de grimpeurs émérites
pour conserver sa transparence.
Feuilletés, trempés, bombés, les nouveaux
vitrages à couches performantes résistent aux
graffitis, aux rayures volontaires, aux agressions multiples.
Ils se révélent de véritables barrières
acoustiques, ou des parois éclairantes. Les verres
photochromiques s’assombrissent sous l’effet de
la lumière; électrochromes, ils s’obscurcissent
sous une tension électrique, provoquant un jeu de façades
ludique, l'opacité momentanée des parois d'une
salle de réunion, bref, un cloisonnement diversifié
et modulable de l'habitat.
Alors que voulons-nous encore ?
La certitude que les avancées de la recherche et de
l'industrie se démocratisent et que nous en vivrons
rapidement les bienfaits? A ce titre, une image s'impose :
celle de "L'homme de Verre", une statue mythique
qui tenait la vedette à Paris en 1937 dans un pavillon
de l'Exposition Universelle. C'était un homme vêtu
de transparence, dont la circulation artérielle ou
veineuse s'allumait alternativement. Un homme idéal,
tout en verre, qui nous montrait le chemin du progrès.
Il est toujours en marche… Et la revue, bien entendu,
s'attache à ses pas !
Bonne rentrée
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