Les
artisans verriers : une longue tradition
Déjà
dans la sépulture des pharaons
Leurs vases et leurs amphores devaient suivre les pharaons dans
leur sépulture et y conserver vins et parfums pour l'éternité.
Cette foi en l'immortalité des princes de Haute-Egypte
se manifeste dans les objets qui les ont ainsi entourés
dans la tombe.
A peine eurent-ils maîtrisé la fabrication du
verre, résistant à l'usure des siècles
mais fragile, les artisans verriers de Karnak ou de Thèbes
lui donnèrent une autre vertu : celle de supporter
les choses pendant les millénaires qui allaient défiler.
Pour "armer" leurs œuvres contre le temps
et, parfois, ajouter à la transparence des paillettes
de couleur, les verriers égyptiens enroulaient autour
des coupes précieuses des fils de verre d'épaisseurs
et de couleurs différentes, qu'ils fabriquaient par
échauffement puis étirage de la pâte en
fusion.
Alors que le lin et le coton, voire la laine, étaient
offerts directement à l'homme par la nature, la fibre
de verre devenait la première fibre artificielle, produite
par l'intelligence humaine à partir de matières
premières aussi frustes que le sable et le sel…
Le
monopole de Murano
Pour bénéficier du savoir-faire des verriers
orientaux et consolider l'héritage romain, Venise va
réconcilier les deux écoles en réunissant
les grands artisans verriers dans ses ateliers de Murano.
Jusqu'au XVIe siècle, l'île vénitienne
conserve tous ses secrets et le monopole de la verrerie d'art.
Fibres,
fils et tissus de verre
Fins, chatoyants, résistants, fibres et fils de verre
s'implantent peu à peu au XVIIIe siècle sur
de nouveaux "marchés", celui des décors
de vêtements notamment.
Plumes de verre
Le physicien René Antoine Ferchault de Réaumur,
verrier à ses heures, alors qu'il met au point le thermomètre,
utilise le fil de verre pour créer des… plumes
de héron artificielles, destinées aux costumes
d'apparat.
«Messieurs, déclare Réaumur en 1713 aux
membres de l'Académie royale des sciences de Paris,
si nous savions faire des fils de verre aussi déliés
que les fils dont les araignées enveloppent leurs œufs,
nous pourrions faire des fils de verre propres à entrer
dans les tissus. Si le verre n'est pas malléable, il
n'est pas vrai de dire, si l'on peut se servir de ce terme,
qu'il ne soit pas textile.»
Le
premier brevet
Environ un siècle plus tard, un négociant lillois,
le sieur Ignace Dubus-Bonnel, et son associé parisien,
le sieur Bajeu, déposent un brevet sur le "tissage
du verre rendu malléable par la vapeur, pur ou mélangé
avec la soie, la laine, le coton ou le lin". Ils fournissent
dans le dossier un échantillon tissé sur un
métier Jacquard et obtiennent dans leur fabrique des
imitations de brocarts d'or ou d'argent en incorporant des
particules métalliques dans les fils de verre.
Du
fil de verre pour Napoléon
Nous sommes en 1836. En 1840, ce tissu reçoit une consécration
officielle lors de la cérémonie de transfert
des cendres de Napoléon aux Invalides : le char funèbre
et son attelage de seize chevaux sont décorés
de draperies tissées de soie et de fils de verre qui
leur confèrent l'aspect du brocart d'or. Parmi les
spectateurs : Victor Hugo.
Naissance
de la première filière
Dans le même temps, le fabricant de soierie anglais
Louis Schade, fournisseur de la reine Victoria et de la cour
de France, présente, lors d'un congrès, des
fils et des tissus de verre de sa fabrication. Dans ses ateliers
de Manchester, il pratique l'étirage de verre en fusion
à partir d'une minuscule ouverture de céramique.
Ainsi est née la première filière.
Un
chef-d'œuvre pour la princesse Eulalie d'Espagne
L'idée traverse rapidement l'Atlantique vers les Etats-Unis.
En 1893, 2douart Drummond Libbey crée pour l'actrice
Cayven une robe dans un tissu superbe : sa chaîne est
en soie, sa trame en fils de verre. La princesse Eulalie d'Espagne
compte parmi les rares possesseurs d'une telle curiosité.
Mais l'avenir des fibres de verre ne se limitera pas aux salons
mondains du début de ce siècle.
De
nouvelles techniques, de nouveaux débouchés
Du
rouet de Réaumur à la fée Electricité
C'est en fait le fil électrique qui va entraîner,
dès 1930, la fibre de verre dans l'ère industrielle,
avec une première application technique : l'isolation
des conducteurs électriques soumis à de hautes
températures. On s'éloignera alors très
vite des pratiques artisanales exercées jusqu'alors,
du four et du rouet de Réaumur. Le procédé
d'élaboration des fibres de verre devient l'affaire
des industriels.
Fibre
de verre et matières plastiques
Portée au départ par le développement
de l'électricité, la fibre de verre découvre
sa principale vocation à la naissance des premières
matières plastiques, des résines phénoliques
tirées du charbon, puis du polyester.
La Seconde Guerre mondiale accélérera le rythme
des recherches : pour remplacer les métaux, réquisitionnées
pour les industries d'armement, il faut trouver un matériau
résistant. Au lendemain du conflit, les Etats-Unis
et l'Europe se lancent dans une nouvelle bataille : celle
de l'industrialisation.
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