Artiste
Né en 1962.
Vit et travaille à Paris.
Contact
11 rue de la ferme de Savy, F-75020 Paris.
Tél : 00 33 1 40 33 59 27.
Activité
Sculpture
Peinture
Architecture
Techniques favorites
Verre plat, assemblage
Techniques diverses
|
Peinture
in vitro
Installé à Paris dans un immeuble moderne de
Ménilmontant, Laurent Saksik a choisi d’être
plasticien il y a une dizaine d’années, après
avoir suivi des études de physique et de philosophie.
Passionné par les théories de Josef Albers sur
la couleur et influencé par Claude Monet, il a défini
une nouvelle manière de peindre, en remplaçant
le chevalet par du verre plat. Disposées dans les jardins,
parkings et espaces d’exposition, ses installations
utilisent la lumière, les reflets et l’œil
du spectateur pour provoquer une expérience chromatique
inédite. Rencontre avec Laurent Saksik, artiste-chercheur
éclairé…
Quelle est votre vision de la couleur ?
Autrement dit, quelle est la couleur de l’ombre ? Je
suis d’accord avec les récentes théories
scientifiques expliquant que le monde est gris. Notre perception
le traduit en couleurs, une sensation, au même titre
que le froid, le chaud, le goût, l’odorat…
Un rouge n’est qu’un degré d’apparence,
un niveau d’information. La lumière blanche tape
sur l’objet-peinture qui la réfléchit
et nous renseigne sur son état de surface en coupant
dans le spectre d’une onde électromagnétique.
Avec le type d’œuvres que je conçois, on
comprend très vite que la couleur n’est pas une
propriété de la peinture. Si vous mettez un
bleu Klein dans l’obscurité, il apparaît
plus foncé. Sur une lumière rouge, il devient
violet. Un même bleu Klein a donc plusieurs interprétations.
Alors, quelle est la couleur du cheval blanc d’Henri
IV ?
Pourquoi avoir introduit le verre dans vos dispositifs
?
J’ai commencé par utiliser des projecteurs et
des caméras. De la lumière, je suis tout naturellement
passé au verre, qui induit un rapport à la matière.
Une manière d’accroître mes recherches
sur la notion de « virtualité » révélée
par les Nymphéas de Monet. Je complète toujours
le verre de peinture, lumière ou pigments… Employé
dans un dispositif d’ensemble, ce matériau devient
l’opérateur le plus puissant. Par son opacité
ou sa transparence, il produit une couleur très profonde,
que l’on pourrait difficilement et partiellement reproduire
avec des techniques de glacis, des superpositions de vernis
colorés.
Exposé dans la Chapelle Jeanne d’Arc de Thouars,
sa dernière réalisation Passim se compose de
six lames de verre blanc trempé et feuilleté
de deux mètres sur deux, chacune recouverte d’un
film Solutia Vanceva color de teintes différentes.
Une serrurerie a été spécialement conçue
pour l’occasion afin de fixer ces éléments
verticalement dans un plancher de 22 mètres de long,
recouvrant le rez-de-chaussée de l’édifice.
L’installation reçoit la lumière émanant
des vitraux 19ème et invite le spectateur à
redécouvrir la chapelle, enveloppée d’effets
d’optiques, de champs colorés et irisés
qui rappellent les verres dichroïques. À travers
les vitrages, l’architecture se renverse. L’espace
se recompose d’un point de vue à un autre de
l’œuvre, au gré du pas et de l’œil
du spectateur.
Passim à Thouars, une réflexion autour
du vitrail ?
C’est de la superposition de couches, traditionnelle
en peinture à l’huile, mais transposée
en trois dimensions. Un mix entre vitrail et glacis. Au lieu
d’avoir du vernis coloré couché, on le
dresse, on le met debout. La grande dimension des plaques
de verre a d’ailleurs impliqué d’épineuses
questions techniques.
Vos installations intègrent des architectures
très variées : cours et halls d’immeubles,
parkings souterrains, centres d’art, boutiques…
Existe-t-il un processus d’élaboration spécifique
à chaque projet ?
Je pars toujours de dessins, traduits ensuite en images de
synthèse sur mon ordinateur. J’étudie
également les effets de lumière en conditions
réelles, à partir de maquettes photographiées
numériquement. Lorsque je participe aux concours qui
accompagnent les projets d’architecture pour les bâtiments
publics dans le cadre du « 1% », mon plaisir de
créer s’accompagne de nombreuses contraintes
dues aux normes. Il faut trouver des solutions techniques
et les dialogues avec les architectes sont très instructifs.
Cela me donne parfois d’autres idées d’installations.
Un cube de verre de deux mètres sur deux pèse
plus de 450 kg et exige de reprendre le même principe
de construction que pour un aquarium : chanfreins, joints
en silicone… Les espaces d’exposition ne peuvent
pas toujours supporter le poids de mes installations. Ainsi,
Passim devait être présenté lors de ma
récente exposition à l’Espace de l’Art
Concret, au Château de Mouans-Sartoux. Mais cette pièce
pèse 1,5 tonne et le premier étage de cette
bâtisse du 18ème siècle ne peut pas supporter
cette charge.
Vos installations sont conçues comme des promenades
qui immergent le spectateur dans un environnement coloré,
en trois dimensions. Peintures ou sculptures ?
La couleur est un rayonnement que je travaille dans un champ
fantomatique, avec des dispositifs en volume afin de faire
émerger des plans. Mes œuvres mettent en exergue
les problématiques picturales et plastiques relatives
à la perception et à la présence du spectateur.
Il me semble qu’il s’agit de peinture, la sculpture
s’occupant plus traditionnellement de l’équilibre,
du poids et des déplacements… En 2000 au Grand
Café, le Centre d’Art de Saint-Nazaire, j’ai
réalisé une boîte en bois de 6 mètres
de long sur 2 mètres de large avec les deux extrémités
en verre plat extra blanc trempé et feuilleté,
complété d’un film polymère coloré
: jaune d’un côté, bleu de l’autre.
Un couloir clos et blanc en réalité, mais que
l’on perçoit jaune, bleu ou vert, selon l’angle
de vision. Une sorte de « peinture en tube » !
Dès que le soleil tape dessus, la lumière colorée
entre dans le volume et provoque une nouvelle palette. J’instaure
un rapport frontal avec une structure autour de laquelle on
marche. Plus court, cela aurait été une sculpture.
La distance oblige à marcher d’un côté
à l’autre, ce qui permet à l’œil
d’avoir le temps d’oublier la première
image pour appréhender la seconde. Il y a une virtualité
que l’on déjoue lorsque l’on passe de l’autre
côté de la pièce. C’est de l’illusion
non trompeuse.
Certains de vos dispositifs évoquent le vocabulaire
des minimalistes. Une toile d’acrylique noir d’Ad
Reinhardt, un cube de Tony Smith…
Utiliser un cube me permet de faire émerger un plan
virtuel et de neutraliser la sculpture : ce volume a en effet
la particularité de ne pas offrir une face plus qu’une
autre. Dans l’installation Timbre, un tableau jaune
se reflète dans une toile d’acrylique noir par
l’intermédiaire de la face vitrée d’un
cube. Le jaune se place exactement sur le noir, ce qui engendre
un mélange optique, clin d’œil à
Claude Monet, façon techno… Lorsque le visiteur
passe dans ce champ, il éclipse le reflet et distingue
la réalité de l’illusion en voyant le
tableau redevenir noir. On est dans la composition picturale,
une version beaucoup plus simple des boîtes de perspective
et une démarche beaucoup plus sensorielle que celle
de Donald Judd. Le minimalisme n’a jamais cessé
de se débarrasser de l’illusion, alors que j’en
rajoute. Le but étant de faire de la peinture avec
d’autres matériaux que la peinture elle-même.
Comment vous situez-vous par rapport au verre contemporain
?
Je suis plasticien, pas artiste verrier. Mes réalisations
se composent de verre industriel dans une autre finalité
que celle du matériau lui-même, sa technique
et son savoir-faire. Il me paraît intéressant
d’intégrer l’art dans la vie de l’entreprise,
l’urbanisme… Pour moi, la nature d’une création
ne se pose pas du point de vue métaphysique, mais pragmatique
: sa destination, les contraintes qu’elle doit supporter,
sa pérennité, sa réparation en cas de
casse, son nettoyage… Tout cela appartient en quelque
sorte au design de l’œuvre et l’ancre intimement
au monde.
Source : VERRE Volume 9 N°4, août 2003.
Galerie
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