Artiste
Né en 1952 à Évreux.
Vit et travaille en France.
Oeuvres uniques
Technique favorite
Pâte de verre
Taille à froid
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Horizon
Vertical
Maîtriser la couleur et la transparence dans la masse
du verre, beaucoup en ont rêvé, peu l’ont
fait. Étienne Leperlier donne à la pâte
de verre une dimension inédite, autant par la taille
que par l’intensité créative. Visite d’un
atelier légendaire, rencontre avec un artiste discret
et tenace : technique, émotion et partage sont désormais
fondus dans un même bloc.
La pâte de verre évoque inconsciemment l’origine
du verre, de l’Égypte à la Mésopotamie,
la grande époque de l’Art Décoratif et
plus récemment, certaines prouesses d’artistes
contemporains. Plus qu’une appellation technique, elle
se réfère à un mystère sentimental
directement lié à la capacité du verre,
semant le trouble dès qu’il est traité
dans la masse. Étienne Leperlier ne le sait que trop.
Au détour d’une ruelle du petit village normand
de Conches-en-Ouche, son atelier, enfoui dans un jardin romantique,
ne ressemble pas à ceux des souffleurs, ardents et
chorégraphiques. Le feu y est à couvert, l’ambiance
évoque la réflexion, l’attente, la gestation.
Toute émotion se mérite dans un silence minéral
entrecoupé par le ruissellement de l’eau des
meules ou le fracas de la casse.
Dans ce théâtre de la matière, Étienne
Leperlier sait qu’à chaque étape il y
a risque, la lenteur du processus ajoutant à la tension.
Au final, ses sculptures, que l’on peut qualifier de
monumentales au regard de la complexité technique,
se jettent sur la lumière comme des nourrissons avides
de leurs premiers repas. L’artiste reconnaît son
projet initial, imaginé bien avant dans l’opacité
de la terre ou du polystyrène. Tout se passe dans la
projection d’un idéal. Étienne Leperlier
sait qu’il lui faut attendre un mois près du
four irrémédiablement fermé pour voir
surgir son vocabulaire artistique d’une gangue de plâtre.
Matière à dire
Volontairement, il a choisi d’œuvrer sur des thèmes
fondamentaux : l’empreinte, le miroir, l’ombre
et le reflet. Les titres de ses pièces sont évasifs
et numérotés « Feedback XXX » succède
à « Feedback XXXI », comme si cette longue
quête devait durer éternellement. Un élément
interpelle pourtant le « regardeur » : celui de
la verticalité. La pâte de verre est souvent
traitée en cube ou en blocs. Étienne, lui, l’élève
en colonnes qui visent le ciel. Tour de Babel ? Plutôt
une volonté de confondre l’incontournable dilemme
entre les arts dits mineurs, aériens, et les arts majeurs,
terriens. « Moins il y aurait de matière sur
les doigts, confie-t-il, plus il y aurait d’esprit !
Avec la pâte de verre, on est complètement immergé
dans le matériau. La différence, c’est
le projet qui précède la phase technique, réalisé
sur une maquette prospective ». C’est là
qu’intervient le savoir-faire. La moindre erreur ne
pardonne pas.
Autodidacte averti
Le « mystère » pâte de verre reprend
alors le dessus. Étienne Leperlier est bien placé
pour le vivre intensément. Il est installé aujourd’hui
dans l’atelier de son grand-père, François
Décorchemont, maître des Arts Décoratifs
du début du siècle qui a réintroduit
cet art dans la modernité, en conjuguant le verre aux
techniques de fonderie et de moulage. Cette hérédité
n’impressionne pas l’artiste. « J’ai
eu la chance de voir mon grand-père travailler, dit-il,
je ne me sens pas héritier de quoi que se soit, mais
plutôt disciple. De plus, il n’y a pas de secrets
à protéger. Je me sens autodidacte ».
À la disparition de François Décorchemont,
Étienne et son frère Antoine, autre grande pointure
de la sculpture en pâte de verre, réinvestissent
l’atelier pour quelques essais où la curiosité
se mêle à l’hommage. Très vite mordus,
ils s’engagent dans cette voie. Ce qui fait sourire
notre créateur : « il a fallu que je me fasse
un nom, « Leperlier » et un prénom «
Étienne ».
Ses premières pièces sont de simples coupes
et vases. Une fois la technique maîtrisée, il
s’attache aux signes et aux codes, qu’il réfère
à l’ethnologie, en souvenir de ses études
et de sa Maîtrise dans cette discipline. À partir
de 1991, il élabore un vocabulaire plus conceptuel
et s’attache à étudier les relations entre
la matière et le projet.
Pâte, quelle pâte ?
Aujourd’hui, de nombreux artistes pratiquent la pâte
de verre. Les anglo-saxons l’appellent Fusing ou Casting,
mais il s’agit toujours de la même aventure. Bien
placé pour répondre, Étienne Leperlier
débrouille modestement l’écheveau. «
Je ne sais pas moi-même si je fais encore de la pâte
de verre, commente-t-il, la spécificité de cette
technique consiste à maîtriser la coloration
dans la masse, ce qui n’est pas simple. Les techniques
ont évolué rapidement avec des artistes comme
Tessa Clegg ou Diana Hobson. Quand Décorchemont a commencé,
il appelait son travail pâte de verre à la cire
perdue. Ce qui constituait déjà une évolution.
Même Émile Gallé se vantait d’en
faire, alors qu’il n’y a jamais touché
de sa vie ». Le mystère perdure. Après
tout, comme aime à le répéter Étienne,
seul le projet compte, avec le verre comme partenaire : «
je me sens comme un gamin qui tape un verre à boire
contre les dents pour vérifier si cela en est vraiment.
Il sait que ces yeux peuvent être trompés. Je
ne pourrais pas travailler les matières plastiques,
même si l’illusion est parfaite ».
Les projets de l’artiste sont tournés vers l’architecture,
afin de s’enrichir d’une collaboration avec des
techniciens et d’autres créateurs. Même
s’il faut utiliser le verre plat industriel ou le verre
soufflé. Étienne Leperlier prouve que le mot
« tradition » porte en lui son opposé,
« évolution ».
A lot of people try to master colour and transparency in
glass body, but without success. Etienne Leperlier, an artist
set up in Normandie, France, gives an exceptional dimension
to « pâte de verre », as much on the technical
point of view as on the creative aspect. Grandson of François
Décorchemont, a master of this art in the beginning
of the XXth century, he knew hox to turn his inheritance in
developing strength : his columns belong to great works ot
contemporary glass.
Par : T.B.
Source : VERRE, volume 8, N°3. Juin 2002.
Galerie
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