Artiste
Né à Prague au début
des années 50.
Vit et travaille en Angleterre.
Contact
London Glassblowing Studio, 7, Leather Market, Weston
Street, London SE1 3ER. Tél : 00 44 + 020 7403
2800. C’est également l’adresse
de Peter Layton.
www.peterlaytonglass.co.uk
Oeuvres uniques
Architecture d’intérieur
Architecture
Technique favorite
Soufflage
Thermoformage
Collage
|
Gentleman
verrier
Peter Layton, personnage primordial du verre artistique anglais,
fut l’un des premiers à installer un atelier
de soufflage créatif en Angleterre. Aujourd’hui,
il a diversifié ses activités vers l’architecture
et créé une galerie. Ce studio installé
au cœur de Londres, mène de front deux activités
artistiques distinctes. Pour l’architecture, Peter Layton
utilise le verre plat ou le verre soufflé travaillé
par de multiples techniques. Quelques clients font partie
de l’industrie de la croisière. Côté
verre soufflé, l’ambiance est à l’intimité,
aux motifs d’inspiration géologiques ou maritimes.
Peter Layton est souvent mélancolique. À peine
ses sculptures achevées, qu’elles prennent la
mer pour toujours. Il reste à quai et se console avec
son atelier de soufflage et ses œuvres picturales utilitaires
(que les Anglais résument par un seul mot : vessel,
qui signifie d’ailleurs également vaisseau).
Docteur Soufflage et Mister Sculpture ? Peter est loin d’être
schizophrène. Bien entouré, il mène de
front deux activités artistiques bien distinctes qui
pourtant entretiennent de nombreux liens.
Son atelier-galerie londonien, situé au Sud-Ouest de
Londres, près du London Bridge, occupe un large espace
dans l’ancien quartier du négoce du cuir. Un
site exceptionnel qu’il a transformé en ruche
: studio de design, atelier de soufflage, galerie. Tout a
commencé dans les années 70. Après une
solide formation de potier, Peter rencontre le verre qui bouleverse
sa carrière. « Ce qui m’a fasciné
dans la céramique, disait-il à l’époque,
était son instantanéité. Alors imaginez
ce que j’ai ressenti en découvrant le verre !
». En quelques années, il fédère
un mouvement que l’on peut considérer comme un
« Studio Glass » à l’anglaise en
créant des associations comme le « British Artists
in Glass » et son bébé, le « London
Glassblowing Studio » qui occupe depuis 1995 ce quartier
typique de Londres. Parallèlement, il écrit
en 1996 « Glass Art », l’un des premiers
ouvrages à révéler la globalité
des artistes verriers internationaux et sa diversité.
Au début des années 90, l’Angleterre vit
une crise économique sérieuse. De nombreuses
galeries de verre ferment et Peter Layton doit trouver une
solution pour sauver son site. Quelques années plus
tôt, en 1988, il a vécu son heure de gloire à
Novy Bor en Tchécoslovaquie lors du symposium «
Interglas », une compétition amicale, mais cruelle.
À cette occasion, il a conçu une pyramide de
verre moulé de plus de deux mètres de haut,
changé brutalement d’échelle, et impressionné
le milieu du verre mondial présent lors de l’événement.
Exploit renouvelé avec la « Endless Tour »
réalisée pour l’Exposition de Rouen en
1992. Cet engouement pour le monumental marque le début
d’une diversification prometteuse : intégrer
ce matériau à l’architecture, lui trouver
une place entre métal et béton. Rapidement,
une occasion étonnante survient : un architecte naval
propose à Peter Layton de créer des sculptures
pour l’industrie des paquebots en plein essor. C’est
donc pour des sociétés dont les noms font rêver,
« Royal Carribean Cruise Lines » ou « Celebrity
Cruises », qu’œuvre désormais l’artiste
qui collabore de plus en plus avec le designer Simon Moss.
Le studio d’architecture grandit en même temps
que les problèmes liés au milieu atypique de
l’architecture navale : vibrations, poids, sécurité.
En collaboration avec des ingénieurs spécialisés,
Peter Layton s’attache à développer un
langage sculptural propre à ce milieu voué à
la fête et aux paillettes. Le verre plat ou soufflé,
assemblé en strates, est maintenu par des structures
métalliques et peut atteindre de grandes dimensions
propres aux salons « à la Titanic ». Il
garde le cap en respectant scrupuleusement délais et
devis, engagement primordial dans ce secteur, et acquiert
une solide réputation de sculpteur maritime ! Sur terre,
le duo Layton / Moss sévit également, notamment
avec l’installation « Opening V », totem
d’acier contenant un cœur lumineux qui ne constitue
pas non plus un repos pour ses créateurs et les ingénieurs
participant au projet !
Cette activité exigeante aurait pu détourner
Peter Layton de la réalisation de simples vases. Il
n’en est rien. Le studio de soufflage, cher à
son cœur, continue de plus belle et un réseau
de galeries internationales présente continuellement
de nouvelles pièces. Pour son exposition parisienne,
l’artiste a choisi une voie très picturale associée
à des formes plus plates. Les deux univers de ce créateur
entêté cohabitent donc parfaitement malgré
leur dichotomie technique. Le verre est le principal suspect
de « l’affaire Layton ».
Entretien
Pourquoi avoir conçu un studio pluri-techniques au
lieu de travailler seul pour un réseau de galeries
?
Quand j’ai débuté, mon studio était
entièrement consacré au verre soufflé.
Au début des années 90, nous avons vécu
une forte récession économique en Angleterre
et beaucoup de galeries ont fermé. À cette époque,
il fallait s’ouvrir vers l’architecture, secteur
dans lequel il y avait un marché prometteur. C’était
une question de survie, Londres étant une ville très
chère. Aujourd’hui, je me réjouis de cette
crise car elle m’a ouvert d’autres horizons. Autre
raison majeure : j’aime m’entourer de spécialistes
ou de débutants et prendrais beaucoup moins de plaisir
à travailler seul.
Comment l’aventure de l’architecture
a-t-elle commencé ?
Par la pièce « Pyramid », réalisée
en 1988 pour la Biennale de Novy Bor. C’était
une sculpture de plus de deux mètres de hauteur fabriquée
dans cet atelier de Bohême. Tous les grands, Dale Chihuly,
Marvin Lipovsky, Myers et d’autres étaient réunis
pour une compétition acharnée sous l’œil
avisé du Professeur Libensky qui avait baptisé
ironiquement cet événement : les « Jeux
Olympiques du verre ». Je faisais remplir inlassablement
des moules modulables de verre en fusion, ce qui semblait
ennuyeux à leurs yeux. Ce n’est que lorsque l’assemblage
a eu lieu qu’ils ont tous été impressionnés.
Cette œuvre m’a ouvert les portes de l’architecture.
Aujourd’hui, je réalise ce genre de pièces
en verre plat ou soufflé avec le designer Simon Moss.
Nous avons d’autres contraintes, pas moins faciles…
Quelles sont pour vous les limites du verre en architecture
?
Le verre est un matériau versatile et fascinant pour
le public. Il a sa place en architecture malgré de
nombreuses limites techniques inhérentes à chaque
matériau d’ailleurs. À chaque chantier,
nous essayons de les repousser. Nous travaillons avec des
ingénieurs qui ont souvent d’insurmontables problèmes
à régler sur nos projets. À la fin, nous
faisons quelques compromissions. Par exemple, nous incluons
des structures en métal pour soutenir le verre alors
que l’original tenait uniquement par l’assemblage
du verre collé aux UV. Nous rêvons bien sûr
à des pièces gigantesques, comme certains peuvent
les réaliser en métal, mais pas forcément
en termes de hauteur. Je pense sérieusement à
un projet de pont suspendu ! Pour faire de grandes pièces,
nous travaillons sur l’idée d’assemblage
de petits modules. Il y a un grand potentiel.
Pourquoi les croisiéristes aiment-ils le verre
?
Les responsables des paquebots de croisière collectionnent
des œuvres d’art depuis le renouveau de cette industrie
florissante. Le verre possède de grandes qualités
de diffraction de la lumière. Ils aiment particulièrement
l’ambiance « féerique » qu’il
procure et sa transparence, message hautement positif. De
plus, il possède une relation symbolique avec la mer
et l’eau que les passagers apprécient. Enfin,
il existe une tradition du « verre maritime »
depuis les grands paquebots : Lalique etc.
Vous entretenez créativement d’étroites
relations avec l’élément liquide…
Assurément, nous avons réalisé 5 ou 6
sculptures où l’eau se mêle au verre soufflé,
ce qui procure d’intenses sensations. Bon nombre de
mes pièces portent des noms évoquant ce milieu,
mais il ne s’agit pas de marketing !
Comment conciliez-vous l’architecture et le
soufflage ?
Ces deux activités se combinent dans certaines pièces.
Nous intégrons du soufflage dans des pièces
d’architecture, mais en général, ce sont
deux activités séparées. Ce n’est
pas facile, on est souvent tiraillé entre les deux,
mais l’une fait avancer l’autre à tour
de rôle.
Quel type de pièces en verre soufflé
montrez-vous à Paris ?
Dans ma carrière de souffleur, j’ai toujours
réalisé des pièces utilitaires de taille
modeste, c’est sans doute dû à ma formation
de potier. Les premiers travaux étaient irisés,
puis a suivi une période mate et opaque. Aujourd’hui,
mon travail est plus traditionnel. Il s’agit d’une
évolution lente de séries déjà
commencées comme les « Paniers », «
Mirages », « Strange Fruits » ou «
Stones Forms ». Pour la plupart, c’est la première
fois qu’elles seront exposées en France. Certaines
formes sont plus plates qu’auparavant, il y a même
des plats, afin de servir plus facilement le motif. Elles
fonctionnent comme des toiles pour exacerber le pictural.
Comment fonctionne l’atelier de soufflage ?
Nous sommes à peu près six, il y a des assistants
permanents et des étudiants. Je travaille en collaboration
depuis plusieurs années avec Simon Moss qui gère
le studio. Il prend de plus en plus de responsabilités
dans notre travail. « 9 by 9 », la dernière
exposition que nous avons présentée cet été
à la Galerie, confrontait symboliquement des artistes
verriers reconnus à des jeunes talents. C’est
caractéristique de l’esprit du studio.
Où en est le verre artistique anglais actuellement
?
Cela pourrait aller mieux, car il n’y a pas assez de
collectionneurs de verre. De grands artistes vendent très
peu de pièces en Angleterre. De plus, il y a une grande
tradition artisanale, le fameux « craft », plus
ciblée sur la céramique, qui considère
le verre comme un médium uniquement utilitaire. Si
vous êtes un artiste reconnu comme Tony Cragg ou Richard
Deacon et que vous utilisez ce matériau, c’est
parfaitement admis. Mais si vous venez de la tradition du
verre soufflé, les portes de nombreuses galeries se
ferment. En ce sens, la relation décorative avec l’architecture
est une solution pour faire connaître les innombrables
capacités du verre. Nous faisons des progrès,
lentement, pas à pas.
Quels sont vos projets ?
En dehors du soufflage, qui suit son chemin, nous travaillons
actuellement sur des sculptures mêlant le verre à
d’autres matériaux, mais cette fois sur la terre
ferme. Quand vous travaillez sur les paquebots, les délais
sont si rapides que souvent, vous n’avez même
pas le temps de prendre une photo de votre pièce. Elle
disparaît et vous ne savez pas si vous allez la revoir
un jour, même si des visiteurs de la galerie m’en
donnent des nouvelles de temps en temps car moi, je n’ai
pas le temps d’aller en croisière !
Par : T.B.
Source : VERRE, volume 8, N°5. Octobre 2002.
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