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La fée des glaces
Jeune plasticienne suédoise, Frida Fjellman représente
la nouvelle génération de créateurs scandinaves.
Portant les arts décoratifs et l’artisanat aux
limites de la sculpture, revisitant radicalement les fondamentaux
nordiques, Frida Fjellman transforme d’un coup de baguette
un environnement qu’elle trouve trop frileux.
Formée à la célèbre école
américaine Pilchuck, section « néon à
la flamme », Frida expose depuis quelques années
dans les plus grands musées européens. Chaque
lieu reçoit une série d’installations
différentes, des micros paysages imbriquant des éléments
de décoration intérieure et des sculptures zoomorphes
en verre et céramique. Rapidement, le visiteur se sent
troublé, ses repères dérapent sur les
miroirs, les textiles de maison, meubles et autres lampes-nuages.
Seuls compagnons de ce spectateur, des lemmings, hiboux, castors,
lapins et hermines, dont certains sont lumineux.
Frida Fjellman s’explique : « Mon travail consiste
à créer des atmosphères, des petits mondes
associant des éléments de décoration
intérieure habituellement présents dans nos
maisons et des animaux inspirés de la tradition suédoise.
Ils évoquent des symboles forts, précise-t-elle.
Les gens y projettent souvent leurs sentiments. » Une
aventure qui interroge l’esthétique des styles
et déshabille la hiérarchie des symboles : l’hermine,
animal royal, se retrouve encerclée par des rats des
champs. « C’est ma réponse au baroque,
confie-t-elle. » Cela fait trente-cinq ans déjà
que la Suède a vécu la révolution design
des années soixante-dix. Frida sait qu’il est
temps d’enlever les toiles d’araignées
et de pousser son balai (de fée) un peu plus loin dans
la provocation. Côté savoir-faire, le changement
est aussi radical. Du verre, elle a retenu le travail au chalumeau,
peu utilisé en Suède, et le miroir pour son
pouvoir de réflexion bien connu. Sans oublier les néons,
qu’elle transforme en éclairs ou en frontières
lumineuses de son rêve. Sa céramique quitte l’influence
japonisante très prisée outre-Baltique pour
se faire figurative. Ses volcans et animaux émaillés,
sont d’un réalisme « impressionniste ».
En ce début d’année, Frida Fjellman présente
deux installations au Glasmuseum de Vaxjö, puis au Röhsska
Museet de Göteborg. Des projets où le verre à
la flamme demeure un outil indispensable. « Mes récents
travaux reflètent mon attirance pour des objets soignés
et raffinés, confie l’artiste. Un luxe sympathique,
rempli de tendresse. » Ce « tender luxury »
réchauffe le cœur des anciens, ceux qui accrochaient
aux lambris des murs de leurs cottages les célèbres
aquarelles romantiques pastel, invitant les paysages dans
les maisons aux fenêtres sans rideaux. Frida sait qu’il
y a deux choses sacrées en Suède : l’accueil
chaleureux des habitants et la nature. Une leçon à
méditer sous nos latitudes égoïstes.
Thierry de Beaumont, Claire Gaillard
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