Collage
Dans le numéro 1, volume 8, de mars 2002, la revue
Verre a consacré un article complet sur le collage
artistique du verre.
Les
colles de l’art
Développé dans les années 90, le collage
à froid a peu à peu investi sculptures, vitraux
et architectures. D'explorations en expérimentations,
les acteurs de l'art se sont formés aux nouveaux procédés
d'assemblage du verre. Colles UV ou bicomposantes, les méthodes
sont personnalisées et adaptées à chaque
création. Tour d'horizon des techniques utilisées
dans les ateliers.
Dans les années 80, le jeune sculpteur Marco de Gueltzl
empile des blocs de verre qu'il colle… à l'Araldite,
avant de les ligaturer de métal. Personne ne sait alors
vraiment comment coller ce matériau à froid.
Le collage de ses pièces jaunit et se délamine
très rapidement avec la lumière. Un jour, il
découvre une colle UV japonaise qu'il active d'abord
avec des lampes bleues de boîtes de nuit, puis au soleil.
Les recettes originales du créateur attirent l'attention
de fabricants, qui mettent au point des colles pour le verre
et déterminent les spectres nécessaires à
leur catalyse. Dès le début des années
90, une poignée d'artistes « miroitiers »
s'équipent de lampes portables et provoquent la révolution
du collage à froid.
Collage
garanti
Ami de Marco de Gueltzl, Gilles Chabrier a d'abord marié
le verre au béton puis collé ses créations
aux UV.
« J'ai vérifié le procédé
avant de l'exploiter, explique-t-il. Je laissais mes totems
sous les arbres de mon jardin, qui devenait un véritable
laboratoire. L'eau de pluie et l'humidité ruisselaient
dessus, j'étudiais le délaminage ou les réactions
aux chocs thermiques ».
Installé aujourd'hui sous les voûtes du Viaduc
des Arts à Paris, le sculpteur considère que
la colle a motivé son travail d'artiste.
Après une dizaine d'années d'expérimentations,
Gilles Chabrier est sûr de ses collages. Dans ses sculptures
fonctionnelles, l'assurance d'un bon assemblage réclame
encore aujourd'hui des tests complets et systématiques
: « Je soumets mes pièces à des forces
contrariées et les plonge dans l'eau pendant un mois…
Ces colles sont vraiment délicates à utiliser,
il vaut mieux procéder avec modération ».
De
la canne à la colle
Dans son atelier du Sud-Ouest de la France, Fernando Agostinho
modèle le verre en expert du soufflage et du chalumeau.
Ses créations composent un bestiaire ciselé
dont l'enjeu réside dans le collage. Le corps d'une
sculpture parachevé, il la pare de détails qui
l'éveillent à la vie. Corne, bouche, nez, taches
de rousseurs sont collés, à chaud ou à
froid.
« Mes pièces réclament une certaine précision,
confie Fernando Agostinho. Il est très délicat
de coller à chaud les yeux de ma Vache Folle, pour
obtenir l'expression du regard que l'on désire. À
froid, on a le temps de positionner la pupille et éventuellement,
de la rectifier ».
L'artiste a appris seul à utiliser les colles en faisant
des essais et en se documentant. Collant surtout aux UV, il
s'est intéressé à cette technique pour
des raisons pratiques.
« L'essentiel de ma production est conçu de telle
façon que je puisse travailler seul. Tous les collages
étant réalisés en même temps, mes
sculptures nécessiteraient plusieurs personnes d'un
bon niveau pour pouvoir les assembler à chaud. Cela
tournerait vite à l'usine ».
Pour Fernando Agostinho, le collage est indispensable, mais
n'apporte pas plus de plaisir que le sablage ou le polissage.
Ce souffleur dans l'âme considère qu'il faut
néanmoins utiliser les nouvelles techniques d'assemblage
à froid pour pouvoir progresser.
Collages
sur-mesure
Enseignant à l'atelier de vitrail des Beaux-Arts de
Munich depuis 1991, Thierry Boissel créé des
parois de verre. Ses réalisations, intimement liées
à l'architecture, dépendent d'un cahier des
charges à la fois technique et artistique.
Dans son atelier, on trouve des colles aussi diverses que
spécifiques. L'artiste enseigne à ses élèves
les méthodes d'assemblage qu'il intègre dans
toutes ses créations : collage ponctuel, de petite
ou de grande surface, artistique ou technique… "
Dans le principe comme dans la pratique, chaque colle a son
utilisation, explique Thierry Boissel. Je préfère
les bicomposantes pour coller de grandes surfaces et la colle
UV pour les plus petites ".
Il conçoit actuellement la fenêtre d'un centre
d'accueil pour enfants en Allemagne, sur le thème de
saint François d'Assise. " Ce vitrail se compose
en trois couches collées sur les bords en ISO, confie
l'artiste. Certains éclats de couleurs sont en verre
antique, collé en surface avec une nouvelle colle UV
élastique commandée spécialement pour
ce travail. C'est la première fois que je l'utilise,
je ne suis donc pas sûr du résultat. L'expérience
me révèlera son efficacité ".
L'artiste en vitrail a changé le plomb… en colle,
pour une plus grande liberté créative.
La
colle expertisée
Depuis 1982, Bernard Pictet reçoit architectes, designers
et artistes dans son atelier de la rue Oberkampf, à
Paris. Il les guide pour la conception, le choix des matières,
des procédures et réalise leurs projets. "
J'essaie de promouvoir le verre en tant que structure, en
3 D et en grandes dimensions, raconte Bernard Pictet. Les
colles UV me permettent d'obtenir des épaisseurs importantes
lorsque je veux former à froid, par sablage. Extrêmement
transparentes, résistantes et naturellement compatibles
avec le verre, elles sont également très pratiques
car diversifiées et d'emploi différents ".
Ce procédé de collage lui a notamment permis
de rendre le verre vecteur d'électricité. Un
principe que l'atelier de Bernard Pictet a appliqué
dans le hall du siège de la société Louis
Vuitton avec l'architecte Ory-Gomez : les poutres de verre
lumineuses, parcourues par un réseau de fibres optiques,
incluent des suspentes métalliques électrifiées
et noyées dans le verre. " Les réalisations
architecturales sont soumises à des bureaux de contrôles
qui valident la sécurité du projet et acceptent
très difficilement la colle UV, précise Bernard
Pictet. Chaque procédé d'assemblage est soumis
à des tests en laboratoire simulant les conditions
réelles d'exposition aux intempéries, de vieillissement,
de contraintes de poids et de forces, etc. Ces vérifications
sont plutôt positives, car c'est un produit qui n'est
pas vraiment sûr ". Actuellement, la F.F.P.V (Fédération
Française des Professionnels du Verre) définit
des normes en sélectionnant certains types de colles
UV et de mises en œuvre. En effet, les colles UV ne sont
pas encore reconnues par la réglementation des collages.
Nous y reviendrons.
" Colle-culture " ? En 1987, le célèbre
designer italien Ettore Sottsass déclarait ironiquement
: " Ne soyez pas surpris si quelques-unes de mes pièces
ont été collées pour aller plus vite,
plutôt que fondues ensemble selon la coutume. Et puis
quelle différence cela fait-il ? La colle-culture n'est-elle
pas une invention au même titre que la culture du verre
? " Aujourd'hui, la démocratisation du procédé
lui donne raison. Outil rapide, solide et invisible au service
de la précision, la colle est largement employée
dans les ateliers des artistes du verre. Séduits par
le collage, les créateurs en usent sans en abuser et
s'arment de patience lorsqu'ils vérifient son efficacité.
Ils n'ont pas pour autant dit leur dernier mot et leur inventivité
nous réserve d'autres assemblages inédits. Dans
cet esprit, le designer Pierre Charpin a, cette année,
relié les baguettes de verre au corps soufflé
de ses vases avec… des élastiques. Un nouveau
concept de collage à froid qui pourrait bien faire
fureur.
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